
Pour fêter la sortie du tant attendu Bureau of Investigation, nous vous proposons non pas un mais deux articles : celui ci, qui revient sur les origines du jeu d’enquête, et un deuxième qui présentera BI de façon plus détaillée.
Aussi propices au creusement de méninges qu’au partage d’une belle histoire, prétextes à une activité solo ou aux débats enflammés, les jeux d’enquêtes passionnent depuis maintenant 40 ans, et la sortie de Sherlock Holmes Détective Conseil (SHDC).
Ceux-ci qui représentent désormais une famille à part entière du jeu de société moderne, sont issus des jeux de déduction.
Les origines : le Cluedo
Inventé par Elva Rosalie Pratt et son mari Anthony dans l’Angleterre de l’immédiat après guerre, il est édité pour la première fois à Londres en 1949 par Waddington, suivi peu de temps après par des éditions américaines et françaises, grâce à Parker Brother et Miro.
On doit y résoudre le meurtre du Dr Lenoir, commis dans un manoir anglais. Le jeu reprend de façon très simplifié le principe du Whodunit cher au roman d’énigme mis à l’honneur entre autre par Conan Doyle ou Agatha Christie : il faut trouver qui est le meurtrier ou la meurtrière, en essayant d’interpréter les indices dont le roman est parsemé.
Authentique Cluedo du siècle dernier, extrait de ma collection privée. Si quelqu'un possède un Colonel Moutarde en trop...
Depuis sa première édition, on compte plus de 200 variantes du Cluedo, du simple changement de thème aux refontes de règles plus profondes.
Le principe du jeu de déduction sera repris plus tard par Scotland Yard, qui, loin de proposer une pâle copie du Cluedo, proposera un jeu asymétrique et semi-coopératif : une course poursuite oppose dans Londres Mister X et les détectives essayant de le capturer.
Authentique Scotland Yard du siècle dernier, extrait de ma collection privée. Mais je n'ai rien perdu sur celui-ci.
Sa première édition en 1983 chez Ravensburger décrochera le Spiel Des Jahres. On doit le jeu au Projekt Team III, groupe d’autrices et auteurs "maison". De très nombreuses variantes et éditions se succèderont pour ce succès ludique toujours d’actualité.
Une des caractéristiques principales des jeux de déduction est leur rejouabilité : l’énigme est renouvelable à l’infini (ou presque). Mais cela se fait au prix d’énigmes basiques, et d’un scénario souvent pauvre.
La naissance du jeu d’enquête : Sherlock Holmes Detective Conseil
Les jeux d’enquêtes vont se distinguer des jeux de déduction par des énigmes plus fouillées, des parties parfois plus longues, et un souci du détail les situant entre le roman et la série policière. Revers de la médaille, vous ne ferez chaque énigme qu’une fois, à moins d’être doté d’une mémoire de poisson rouge.
Le jeu fondateur de cette nouvelle famille ludique est Sherlock Holmes Detective Conseil, édité en 1982 chez Sleuth Publications. La première édition française chez Jeux Descartes (dans le fameux classeur) sortira en 1985, année où SHDC gagne le Spiel Des Jahres.
Sa réédition inespérée par Ystari en 2012 gagnera le prix du jury de l’As d’or/jeu de l’année à Cannes. Actuellement éditée par les Space Cowboys, c’est désormais une gamme complète dotée de 4 boites différentes.
Les trois éditions successives de SHDC : Descartes, Ystari et Space Cowboys, dans la belle livrée rouge de la boite consacrée à Jack l'éventreur.
Les auteurs originaux sont Raymond Edwards, Suzanne Goldberg et Gary Grady, rejoints depuis par Thomas Cauët, Dave Neale et Jérôme Ropert.
Dix ans avant l’arrivée de Catane, que beaucoup considèrent comme le premier jeu de société moderne, SHDC sera non seulement le premier jeu d’enquête, mais il contribuera de façon plus générale à changer le rapport que peuvent avoir les adultes face au jeu de société.
En effet, il sera l’un des premiers à amorcer la bascule vers les jeux de société spécifiquement conçu pour les adultes, alors que jusqu’au début des années 80, ils étaient cantonnés à une cible d’enfants et d’adolescents.
Bureau of Investigation : De Conan Doyle à Lovecraft
Bureau of Investigation est le premier jeu utilisant le système de SHDC. Mais, comme vous pourrez le constater si vous succombez au charme de cette belle boite, il va beaucoup plus loin que la transposition de l’Angleterre victorienne au pays de Lovecraft.
Le premier changement, visible dès la première enquête, vous permet de suivre pour le même indice, deux pistes différentes : comme dans SHDC, vous pouvez aller interroger des individus, mais vous pouvez également, en bon agent du BI (ancêtre du FBI), procéder à des investigations : fouiller un lieu, suivre un suspect…
De plus, le nombre de pistes que vous allez suivre sera limité, et le questionnaire de fin sera remplacé par le rapport à rendre à vos supérieurs, dans lequel vous devrez mentionner les endroits suspects où une intervention massive sera souhaitée.
Et ce n’est là que le début de vos surprises, puisque l’auteur, Grégory Privat, prend un malin plaisir à dynamiter toutes vos habitudes au fur et à mesure des enquêtes.
Et pour quelques jeux de plus
Nous ne pouvons que vous encourager à farfouiller dans votre collection de jeu, rendre visite à la ludothèque la plus proche de chez vous, ou même aller chez votre ludicaire (pour les jeux encore édités) afin de pouvoir essayer les jeux dont nous parlons dans cet article. Les plus gourmandes et gourmands pourront également picorer à l’envie parmi la sélection suivante. Ils sont tous chaudement recommandés par la rédaction.
Jeux de déduction : Mystère à l’abbaye, la Fureur de Dracula, Tobago, Lettres de Whitechapel, Cryptide.
Jeux d’enquêtes : Witness, Watson & Holmes, Minuit Meurtre en mer, Detective, Chronicles of Crime, Suspect, Micro Macro.
Comments (30)
Le blog https://www.parlonsjeux.com
promet aussi d'en parler un peu plus en détails.
oopératif ou presque , les joueurs sont dans un cauchemard , chaque joueur connait son tueur et le lieu de sa mort , les autres joueurs doivent le deviner , a la fin un seul se réveillera
on peut en effet "critiquer" ou reprocher à Cluedo son coté basique pour l'enquête, mais au moins c'était réutilisable.
Aujourd'hui, les jeux d'enquête ont l'air bien (et je pourrais aussi parler des escape game ou autre du même genre type Unlock, Undo & Cie), mais bouuuu aucune rejouabilité :o
Quelle déception !! Pourquoi personne ne peut nous proposer un jeu d'enquête où la fin ne serait pas déjà ecrite d'avance, même si elle résulte de facteurs individuels que l'on connait mais dont on ne connait pas la combinaison ? c'est en cela que Cluedo etait intéressant, on savait qu'il y avait un lieu, un meurtrier, une arme, mais en l'état à cette partie quelle etait la combinaison ? C'est ça qui en faisait sa rejouabilité.
Aujourd'hui, si je dois acheter et jouer à un jeu d'enquête, je veux de la rejouabilité, ce qui explique pourquoi je n'ai pas investi dans un jeu de ce type. Je serais bien plus tenté d'acheter un cluedo dont je suis sûr de pouvoir rejouer sans déjà connaitre la fin d'avance...
Quel pied ce jeu...
Le comparer au Cluedo, ce jeu chiant ou tout le monde finit au même tour et dans lequel, celui qui gagne est celui qui n'aura pas fini un tour dans le couloir à cause d'un mauvais jet de dé, c'est avoir une méconnaissance totale des jeux d'enquêtes narratifs.
En même temps, pas un de mes amis accepterait une partie de Cluedo, alors qu'à Sherlock, on se régale. La boite verte est excellente.
" Pourquoi personne ne peut nous proposer un jeu d'enquête où la fin ne serait pas déjà ecrite d'avance, même si elle résulte de facteurs individuels que l'on connait mais dont on ne connait pas la combinaison ?"
Eh bien tout simplement parce que ce que tu décris n'est pas un jeu d'enquête mais bien un jeu de déduction. Où serait l'intérêt pour un joueur de décider d'interroger tel personnage si on sait qu'il va systématiquement nous donner la réponse A, B ou C ? Dans un jeu d'enquête, ce n'est pas l'inconnu des réponses qui fait le coeur du jeu, mais celui des paramètres : est-il pertinent ou non d'aller interroger Bidule, sachant que ça m'empêchera d'aller voir Truc, qu'il s'agit peut-être d'une fausse piste ou qu'il n'a rien d'intéressant à m'apprendre ?